Les éclipses de Lune et de Soleil ont toujours frappé l'imagination des
hommes. Les circonstances de leur apparition ont été étudiées depuis la plus
haute Antiquité, ce qui conduisit probablement aux premiers raisonnements
scientifiques. Le calcul des éclipses fut résolu par les astronomes grecs.
Leurs observations permirent à Aristarque de Samos au Ve siècle avant Jésus-Christ
de mesurer pour la première fois la dimension de la Lune et sa distance à la
Terre. Elles permirent à Hipparque, astronome grec du IIe siècle avant Jésus-Christ,
en 130 avant Jésus-Christ de découvrir le phénomène de la précession des équinoxes
(un équinoxe étant l'époque de
l'année où le Soleil coupe l'équateur céleste et qui correspond à l'égalité
de la durée des jours et des nuits, la précession
des équinoxes est une avance du moment de l'équinoxe). Les éclipses de
Soleil sont très précieuses pour l'historien : ces phénomènes sont souvent
rapportés dans les anciennes chroniques. Or il est possible de calculer avec
une très grande exactitude la date et l'heure de toutes les éclipses passées
et le lieu d'où elles furent visibles, ce qui a permis parfois de rectifier la
chronologie de l'histoire ancienne et d'établir la correspondance entre divers
calendriers. "Ekleipsis" est un abandon, une omission qui révèle la
crainte des hommes que le Dieu solaire les abandonne. Les trois astres peuvent
se trouver alignés selon les combinaisons suivantes :
~
Soleil/Terre/Lune : éclipse de Lune quand elle passe dans le cône d'ombre de
la Terre. Extinction, elle cesse de briller.
~
Soleil/Lune/Terre : la Lune masque le Soleil, c'est une occultation (c'est-à-dire
la disparition momentanée d'un astre, ici le Soleil, derrière un autre de diamètre
apparent supérieur, ici la Lune)
Légendes et mythes des éclipses
:
Toutes
les cultures ont tenté d'expliquer les éclipses. La plupart font appel à une
créature qui dévore le Soleil : dragon pour les Indonésiens et les Chinois ;
en mandarin, le mot "éclipse" se traduit par "shi", c'est-à-dire
manger. Ce thème d'animaux surnaturels est récurrent dans les premières
cultures : vampire en Sibérie ; loup-garou en Serbie ; pour les Scandinaves, il
s'agit de deux loups (Moongard qui réussira à la fin des temps à dévorer la
Lune et Frentis qui dévorera le Soleil) ; grenouille géante au Vietnam ;
jaguar au Paraguay et en Argentine ; chien géant en Bolivie... Tous sont
responsables des absences périodiques de la Lune ou du Soleil.
Eclipses et littérature :
Homère
dans L'Odyssée fait référence à une éclipse de Soleil qui fut
totale près d'Ithaque le 16 Avril -1178. Shakespeare fait référence à une éclipse
de Lune le 27 Septembre 1605 et à une éclipse de Soleil le 12 Octobre 1605
dans Le roi Lear (I, 2). Le
comte de Gloucester attribue les désordres de son pays à ce double événement
céleste : "Ces dernières éclipses de Soleil et de Lune ne nous présagent
rien de bon. La sagesse naturelle a beau les expliquer d'une manière ou d'une
autre, la nature n'en est pas moins bouleversée par leurs effets inévitables :
l'amour se refroidit, l'amitié se détend, les frères se divisent, émeutes
dans les cités, désordres dans les campagnes, trahisons dans les
palais..."
La dernière éclipse de Soleil qui ait été visible en France est celle
du 8 juillet 1842. Dans Astronomie
populaire, François Aragon nous raconte :
« L’heure
du commencement de l’éclipse approchait. Près de vingt mille personnes, des
verres enfumés à la main, examinaient le globe radieux se projetant sur un
ciel d’azur. (…) Lorsque le Soleil, réduit à un étroit filet, commença
à ne plus jeter sur notre horizon qu’une lumière plus affaiblie, une sorte
d’inquiétude s’empara de tout le monde ; chacun sentit le besoin de
communiquer ses impressions à ceux dont il était entouré. (…) La rumeur
devenait de plus en plus forte à mesure que le croissant solaire
s’affaiblissait. Le croissant disparut enfin ; les ténèbres succédèrent
subitement à la clarté, et un silence absolu marqua cette phase de l’éclipse
(…). Un calme profond régna dans l’air ; les oiseaux ne chantaient
plus. Après une attente solennelle d’environ deux minutes, des transports de
joie, des applaudissements frénétiques saluèrent avec le même accord, la même
spontanéité, la réapparition des premiers rayons solaires (…). Pour la
majorité du public, le phénomène était à son terme. Les autres phases de
l’éclipse n’eurent guère de spectateurs attentifs, en dehors des personnes
vouées à l’Astronomie. »
Voir
à SAMOS, LOUP-GAROU
et LE ROI LEAR.